THIS IS CRAVEN HORROR : les inspirations de Wes
Halloween arrive, et inévitablement, on se remémore les histoires – faits divers, films ou livres – qui nous ont offert nos plus grands frissons.
Si l’incontournable Stephen King continue encore aujourd’hui d’alimenter nos angoisses nocturnes par ses livres, il portait déjà l’honorable titre de Maître de l’horreur dans la littérature de genre il y a quelques décennies. Également grand cinéphile, l’écrivain présentait au public en 1986 une partie de sa vidéothèque dans une série documentaire : THIS IS HORROR, déclinée en 2 VHS (vous savez ? Ces grandes boîtes rectangulaires qu’il fallait rembobiner au début pour les visionner à nouveau !). L’anthologie, qui présente des extraits de films pour la plupart cultissimes, donne également la parole à de grands noms qui ont marqué le cinéma d’horreur, nous livrant ainsi quelques anecdotes inédites et aujourd’hui encore méconnues.
Parmi eux, on retrouve Wes Craven, réalisateur, producteur, scénariste, acteur et, plus occasionnellement, écrivain. Décédé en 2015, le précurseur des slashers movies (saga Scream) et père du terrifiant Freddy Krueger revient sur 3 de ses succès cinématographiques en nous livrant les histoires qui lui ont inspiré ces scénariis.
L’une d’entre elles m’avait particulièrement marqué, et c’est d’ailleurs le spectre de ce souvenir imprécis qui m’a poussé à retrouver ce documentaire. Je vous laisse deviner laquelle tout en savourant cette petite rétrospective sur les origines des films les plus marquants de ce réalisateur !
La dernière maison sur la gauche – 1972
Voir aussi : bande annonce du remake de 2009 sur Universal Picture France
Sorti en 1972, ce film est devenu avec le temps un incontournable du cinéma d’horreur. Pourtant, il a longtemps divisé l’opinion, considéré comme malaisant, troublant, dérangeant, malade.
Pour son premier long-métrage, Wes Craven se lance dans un univers qui lui est complètement inconnu à l’époque. En effet, lorsque le réalisateur Sean S. Cunningham (Vendredi 13) lui propose de réaliser un film d’horreur, l’ancien prof de lycée est déconcerté : il n’y connait rien au genre et avoue même n’en n’avoir jamais visionné aucun. Il décide alors de construire son scénario à partir de simples personnages de série B, des évadés de prison, et va puiser son inspiration dans le conte médiéval suédois « La fille de Töre à Vänge », déjà à l’origine d’un autre film : La Source, d’Ingmar Bergman (1960), pour construire son intrigue.
La fable raconte l’histoire d’une jeune femme partie en pèlerinage qui se fait tuer en chemin par des bergers. Suite à leur crime, les assassins se réfugient dans une ferme qui se trouve être celle des parents de la victime. Les rôles s’inversent alors : les bergers deviennent les moutons, et le couple en deuil assassine les responsables de la mort de leur fille.
C’est sur cette mécanique assez simple de traqueur qui devient traqué, que Wes construit son film. Initialement écrit sous la forme d’un horror-porn, Wes décide de retirer les scènes de sexe de son script peu avant le tournage. Cela n’empêchera pas l’œuvre d’être longtemps interdite à l’exploitation par certains pays (jusqu’en 2003 au Royaume-Uni), voire même bannie. Réservé à un public âgé de plus de 17 ans, le film reste cependant culte pour les fans du genre et fera l’objet d’un remake en 2009, réalisé cette fois par Denis Iliadis et produit par Wes himself.
Wes raconte que le choix du prénom donné à l’un des antagonistes : Krug, est inspiré de celui d’un petit garçon qui le malmenait quand il était enfant. Ça ne vous rappelle pas le nom d’un autre personnage culte issu de l’univers Craven ?
La colline a des yeux – 1977
Voir aussi : bande annonce du remake de 2006 sur PassionHorreur
Pour trouver de l’inspiration, Wes Craven s’est cette fois réfugié à la Bibliothèque municipale de New York, dans laquelle il a parcouru pendant des semaines tous les écrits se rapportant aux crimes actuels ou passés. C’est dans l’Encyclopédie de Mayhem (note : je n’ai trouvé aucun ouvrage existant à ce nom), un ouvrage répertoriant tous les grands crimes de la culture américaine, qu’il prend connaissance d’une légende controversée du XVIème siècle : celle de la famille Sawney Bean.
La légende raconte les méfaits d’une famille consanguine qui aurait vécu à l’état sauvage quelque part entre l’Écosse et l’Angleterre au XVIème siècle. Alexander Bean, né d’un père fossoyeur et tailleur de haies aurait en effet épousé une femme avec qui il aurait décidé de vivre dans une grotte à l’abri de toute civilisation. Entre relations incestueuses et rupture avec le monde extérieur, le clan serait devenu en 25 ans une meute composée de 8 fils, 6 filles et pas moins de 32 petits-enfants ! Adepte du cannibalisme, la joyeuse clique se serait nourri des cadavres de ceux qui s’aventuraient sur leur territoire, en conservant les corps dans leur caverne grâce à de la saumure ou de l’eau de mer. Aucun village voisin n’étant au courant de leur existence, la région eut rapidement la réputation d’être hantée.
Le bourg de Girvan, une petite ville proche du territoire des Sawney Bean, a connu plusieurs histoires de cannibalisme à cette époque. On raconte qu’une des filles de la meute aurait quitté le clan pour s’installer dans cette bourgade, et qu’elle y aurait même planté le Hairy tree, l’arbre historiquement mythique lié à ce patelin.
Un soir, alors que la famille tentait de s’attaquer à un couple revenant d’une foire, le mari réussit à échapper à l’embuscade et put ainsi donner l’alerte. Le clan put être enfin arrêté : les femmes furent condamnées à la pendaison tandis que les hommes connurent en premier lieu le supplice de la roue avant d’être brûlés vifs.
C’est ce mythe, réel ou fantasmagorique, qui est à l’origine du scénario de La colline a des yeux. Initialement classé X par la Motion Picture Association of America, Wes Craven modifie le montage afin de rendre son film accessible à un public âgé de plus de 17 ans. Le réalisateur lui donnera une suite en 1985, puis il produira le remake de Alexandre Aja sorti en 2006.
Freddy , les griffes de la nuit – 1984
Voir aussi : bande annonce du remake de 2010 sur Warner Bros France
Il a fallu attendre 3 ans, scénario en main, avant que Wes Craven ne trouve enfin un producteur qui accepte de lui allouer un petit budget pour financer son film. En effet, malgré la réputation de ses 2 premiers longs-métrages, il était sans cesse confronté au même discours : « cela ne fera peur à personne puisque les gens sauront que ce n’est pas réel« .
Nos mauvais rêves étant la représentation personnalisée de nos plus intimes angoisses, existe-t-il pourtant quelque chose de plus terrifiant qu’un cauchemar qui prend vie ?
Dans THIS IS HORROR I, Wes Craven revient sur la façon dont est née son personnage mythique aux griffes d’aciers.
Grand lecteur de médias papiers, il a remarqué la similitude entre 3 faits divers publiés sur 1 an et demi en bas de page de son journal sans qu’aucun lien n’ait été fait entre eux.
Les circonstances sont pourtant presque identiques dans chacun des faits relatés : de jeunes garçons ou jeunes filles de familles immigrées aux États-Unis sont retrouvés décédés dans leur sommeil. Les proches des malheureux défunts relatent qu’ils faisaient tous d’affreux cauchemars depuis un certain temps, au point d’avoir peur de s’endormir. Malgré cela, leur famille essayait de les soulager avec du lait chaud, ou par la prescription de somnifères jusqu’à ce qu’ils entendent un cri dans la nuit et les découvrent alors morts.
Ces faits divers bien tristes sur des conséquences fatales issues de terreur nocturnes et l’inhabituelle similitude des profils des 3 cas relatés pourraient inspirer bien des théories : ces jeunes gens auraient-ils été contaminés par une substance toxique qui aurait pu engendrer des effets indésirables allant jusqu’à la défaillance cardiaque ? Pourrait-il s’agir de meurtres par empoisonnement ou de la prise d’une nouvelle drogue fait-maison aux conséquences dévastatrices ?
Wes Craven a choisi une toute autre version des circonstances de leur mort : celle de l’existence d’un personnage aux pulsions meurtrières capable de tuer dans nos rêves. Il ne restait plus qu’à lui inventer une histoire et déterminer les règles du jeu afin de donner une chance à ses proies de pouvoir le vaincre.
Freddy deviendra une des sagas les plus renommées du réalisateur. Un succès d’autant plus lucratif qu’il a été réalisé avec un petit budget.
Si je n’ai pas forcément été charmée par les suites données à son premier volet, je reste adepte du tout premier Krueger et l’anecdote racontée par Wes Craven m’avait, à l’époque, particulièrement chamboulée du fait que je fasse moi-même des terreurs nocturnes. Heureusement, le film donne des outils pour apprendre à vaincre les démons qui hantent notre sommeil : il suffit de ne pas croire en eux. Après tout, ce n’est qu’un rêve… n’est-ce pas ?
Joyeux Halloween à tous !
SOURCES :
- THIS IS HORROR I – VHS (disponible sur la chaine Youtube de TONY92FR
- ALLOCINE
- WIKIPEDIA
- Photo 1 : zimbio.com
- Photo 2 : lapresse.ca
- Photo 3 : Illustration issue du livre « The Grey man » par S.R Crockett
- Photo 4 : Capture d’une scène du film de Wes Craven : Freddy, les griffes de la nuit